Je viens de loin... Reviens ? De loins ? Allez savoir... Tout est si compliqué avec les hommes. Ils vont, ils viennent, et nous, les loups, on ne sait plus très bien s'ils nous protègent ou nous détruisent. Tout s'emmêle. Un jour ci, un jour ça.
C'est d'ailleurs comme ça que je me suis dit un jour comme ça : mets-toi donc à écrire. J'avais quinze ans, je crois. En tout cas j'étais vieux... La plupart de mes frères étaient déjà morts et la Faucheuse, sans avoir décidé encore, me tournait autour sans faire de détours.
Ce n'est pas qu'elle me fit peur – les loups n'ont pas peur –, mais elle m'agaçait. Quoi ? Une autre eût décidé pour moi ?! Impossible. Cet instinct de liberté qui m'était chevillé au corps, je devais le préserver à tout prix.
C'est donc par un petit matin de mon quinzième printemps que s'est offerte à moi la solution miracle qui me délivrerait des prétentions macabres de l'amoureuse odieuse : je me réfugiai dans le Rêve !
Le grand, l'immense rêve de la pensée. Celui qui surgit avec le soupir, s'étincelle dans l'action et se fond dans l'émotion. Le rêve... absolu ; c'était résolu.
Ce ne fut pas simple. Devenir loup-rêveur, en partant de rien, sans même savoir où aller pour se faire opérer, à l'époque, ce n'était pas banal. Aujourd'hui tout est facile mais alors, chacun avait sa place et devait y rester. "68" n'avait rien changé. Les apparences peut-être...
J'ai pourtant réussi. Elle ne m'a pas eu. Pas encore. Un demi siècle après, je continue de rêver...